"Je veux une vie intense."
Son véritable nom est Florian Cloud de Bounevialle Armstrong. Elle aime boire du rhum et rester éveillée jusque tard dans la nuit, pour composer des chansons que personne n'entendra jamais, sur son Steinway des années 1930. Et il existe deux choses dans la vie que, peut-être, elle apprécie plus encore que sa propre compagnie : le sexe et un bon match d'Arsenal. Découvrez une Dido drôle et décalée, comme vous ne la connaissiez pas, dans son interview la plus révélatrice à ce jour. Par Jan Moir.
Dido est moulée dans une robe signée Missoni, fendue jusqu'à la taille, aux motifs léopards, et qui se termine par des rubans flottants au niveau de ses jambes minces et bronzées. Ses cheveux sont humides et ondulés, et ses yeux sont fardés d'un noir très vamp. Elle est à couper le souffle, sensuelle : Wilma Pierrafeu rencontre la Jane de Tarzan. Un brin "ouh, là, là !" Beaucoup de "arrrgg". Mais ça ne ressemble pas vraiment à Dido. Du moins, pas à la Dido que l'on croit connaitre. Mais la connait-on réellement ? "Pas vraiment", dit-elle. Et ça lui convient très bien.
Elle explique : "J'ai toujours essayé de faire en sorte que les gens se focalisent sur ma musique, et non sur moi. C'est pour ça que je ne défile pas en soutien gorge et mini-short. C'est amusant de s'habiller et d'être féminine, et si quelqu'un me dit que je suis sexy, j'en suis contente, mais je ne veux pas que tout le monde ait le sentiment de connaitre la moindre parcelle de mon anatomie. J'ai absolument confiance en moi, actuellement ; j'adore cette robe, mais je peux me sentir sexy dans des vêtements très simples. Pour moi, c'est une attitude plus élégante à adopter. Garder [mon corps] pour moi. Le garder privé. Le réserver pour la chambre à coucher."
Dido rit et disparait dans une loge, afin de se changer après notre séance photo. Plus tard, elle réapparait dans ses vêtements sobres habituels : un jean Juicy, un T-shirt et une paire de sandales Topshop qu'elle adore, car elles sont hautes, mais assez confortables pour lui permettre de danser sur scène. "Comme ça", explique-t-elle, en bougeant un peu. Mais qu'est-ce que c'est que ça ? "Un de mes pas de danse avant-gardistes, s'il vous plaît !", rit-elle. Elle plaisante, bien sûr. "Je suppose que ça explique pourquoi je n'ai jamais pu être une véritable pop star géniale, à l'échelle planétaire, comme Kylie ou Britney. Je me casserais la figure dès le premier obstacle de danse."
C'est une soirée douce dans Kew Gardens, avec un léger vent frais qui accompagne la brise. Dido veut une tasse de thé noir. Où sont ses lunettes de soleil ? Elle enfile sa chère veste Marc Jacobs, celle-là même qu'elle portait pour la séance photo de son second album, Life for Rent. Pour son premier album, No Angel, elle apparaissait à peine, si ce n'est comme une ombre floue en noir et blanc. "Si j'avais pu choisir, personne n'aurait jamais su à qui appartenait ce visage. Je n'ai jamais voulu que tout ça arrive. Tout ce que j'avais entrepris, c'était de faire un album que je voulais écouter, dit-elle. J'étais une artiste underground qui avait fait un disque sans prétention, mais, d'une manière ou d'une autre, c'est devenu dingue."
Ca, c'est sûr. La musique éparse et mélancolique de Dido a fait d'elle l'une des artistes les plus vendeuses dans le monde. Il y a quelque chose à propos de l'intimité de sa voix cristalline et de ses chansons épurées, à laquelle les fans répondent de manière profonde ; comme si, certains l'affirment, elle chantait dans leur propre tête. Faisant le lien à un autre niveau, Dido aime aussi écrire et chanter à propos des "petits moments" furtifs que nous partageons tous : lorsque le bel amour tourne mal, lorsqu'on rencontre quelqu'un, le triomphe et la tragédie de la vie quotidienne. "Comme ce bref moment où vous êtes complètement malade parce que vous venez de passer près de l'être aimé, et qu'il est accompagné de quelqu'un d'autre. C'est ça qui compte : cet infime, minuscule moment d'une vie. J'adore écrire des grandes chansons à propos de ça." Il y a deux scénarii lorsqu'elle écrit ces chansons-là : "Je dois me retirer quelque part et me sentir véritablement seule, explique-t-elle. Ou alors, je reste chez moi et je me saoule un peu. Etre ivre et écrire des chansons est l'une des choses que je préfère par-dessus tout."
Chez elle, c'est une maison fabuleuse dans le nord de Londres, qu'elle a achetée elle-même et qu'elle a transformée en une sorte de "Temple de Dido". Il n'y a qu'une chambre à coucher (la sienne), parce que toutes les autres pièces ont été transformées en satellites de Dido, pour le travail et les loisirs. Il y a la salle de gym de Dido, le bureau de Dido, la salle de musique de Dido ; toutes ces pièces formant une zone exclusive à Dido, d'une certaine manière. Le message que cela envoie est clair : défense d'entrer ! Cette femme a besoin de son espace. Enfant, Dido (dont le vrai nom est Florian Cloud de Bounevialle Armstrong) était isolée. Elle confesse une vie très casanière, où elle pratiquait le violon et la flute à bec dans sa chambre pendant des heures, et où elle a enduré les affres et les douleurs de l'adolescence seule. "Lorsque j'ai rompu avec mon premier petit copain, j'avais vraiment le cœur brisé. Ma mère a dit que je n'ai pas quitté la maison pendant trois mois. Chaque soir, je faisais de l'aérobic dans ma chambre, au son des disques de Imagination. C'était excellent. Je me suis complètement remodelée."
Malgré ce genre de calamités de l'adolescence, la douce jeune fille qui excellait à ses cours de musique, et chantait dans la chorale de l'école, a aussi découvert des activités extrascolaires différentes, plus intéressantes. "J'étais toujours très ouverte à propos du sexe, quand j'étais plus jeune. On est prêt à tout essayer, à cet âge, pas vrai ? Même si on ressent toujours un peu de manque d'assurance. Parfois, on n'est pas assez sûr." Mais la pratique permet de s'améliorer. "Oui. Et puis, on prend de l'âge, et le sexe devient génial. On passe à un niveau complètement nouveau."
Malgré tout, Dido a toujours besoin de beaucoup de temps seule, et est frustrée lorsque ce n'est pas possible. De bien des façons, la vie de troubadour de la pop star, entre studios d'enregistrement et tournées, voyages et déplacements, lui convient "parfaitement". "J'ai seulement besoin de faire les choses en étant seule. Je suis très contente quand je suis seule. Je passe mon temps à semer les gens."
Ainsi, sa maison de Islington demeure son sanctuaire. Lorsqu'elle a envie de compagnie, elle cuisine des plats sains et "délicieux" pour ses amis : beaucoup de poisson, de légumes, de salades. "Je ne sais pas faire de sauces, mais je suis experte en poisson ; j'enroule le cabillaud dans du papier aluminium, avec un peu de citron et d'huile, et je le fais cuire au four." Parfois, lorsqu'elle revient de ses emplettes, avec ses salades et ses fruits, elle descend sa rue, observe sa maison et se dit : "Je n'arrive pas à croire que j'habite là. Je n'arrive pas à croire que c'est ma maison. C'est tout ce dont j'aurais toujours besoin."
La célébrité et la fortune sont arrivées rapidement, pour Dido. Et, en dehors d'une étrange crise de panique occasionnelle, elle a merveilleusement fait face, de sa manière bien à elle, sensée et terre-à-terre. "Tous mes amis disent que ça ne m'a pas changée du tout, mais, bien sûr que ça m'a changée. De manière positive. J'ai bien plus confiance en moi et je suis plus heureuse ; la vie est magnifique. Il y a des jours où ça m'ennuie, mais aujourd'hui, si quelque chose m'embête, je m'arrête et je me dis : 'Rien de ce qui t'ennuie ne compte vraiment.' J'ai de la chance. J'ai une vie extraordinaire, et je veux en profiter, parce que quelque chose surviendra et m'arrêtera, à un moment donné."
Dido a reçu une éducation aimante, plutôt bohémienne, de la part de son père éditeur et de sa mère poète, dans le nord de Londres. La télévision était bannie de leur maison de ville, et sa relation avec ses deux parents, et particulièrement avec sa mère, pouvait être orageuse. Son frère, Rollo, et elle s'amusaient avec des instruments de musique et des chansons, et elle a étudié la musique dans les deux écoles privées qu'elle a fréquentées. Alors qu'elle enregistrait son second album, son père est tombé gravement malade et a failli mourir. Cela explique peut-être, en partie, la gravité derrière le regard clair et intelligent de Dido, et sa détermination à profiter pleinement des choses. "Oui, dit-elle. Vous devez vivre votre vie. Vous pouvez vous laisser porter par la vie, ou vous pouvez vous y lancer pleinement. Et je veux la vivre pleinement."
Sa famille reste liée, à sa manière. Elle assiste aux matchs de foot d'Arsenal avec son père et, au milieu de son salon, se trouve son bien le plus imposant : un piano à queue Steinway des années 1930, cadeau de Rollo, un musicien, dont la maison de disques a été la première de Dido. "Il est superbe, avec une sonorité merveilleuse", commente-t-elle.
Une bonne soirée, pour Dido, inclurait un dîner avec des amis et quelques verres (soit du vin rouge, du champagne, du rhum ou de la vodka), et ensuite, retour à la maison pour un grog en solitaire. "Une boisson très agréable, avant d'aller se coucher, consiste en un mélange de rhum et d'eau chaude. Ca marche complètement. Mettez du rhum Old Jamaica dans un verre, et préparez-le comme une tasse de thé. C'est super, ça vous met d'une humeur délicieuse." Elle mettrait ensuite sa guitare sur son genou, s'assiérait à son magnifique piano et commencerait à travailler. "Je pisserais de rire toute seule, parce que je sais que ce que j'écris ne verra jamais la lumière du jour. J'avoue pratiquement tout ! Ces morceaux ne seront jamais rendus publics. Et c'est libérateur, d'écrire des chansons qui ne seront jamais dévoilées. J'en ai des tas, de ce genre. Toutes sur des bouts de papier, partout dans la maison." Je lui demande de me donner le titre de l'une de ces chansons. "Non", répond-elle, avant d'éclater d'un long rire personnel.
Ce qui est étrange, c'est que Dido et ses chansons ne sont pas aussi fades que certains voudraient le faire croire. Elle est simplement plus discrète que d'autres. Beaucoup de ses chansons sont rythmées par le sexe et le désir, mais la reine de la sérénité le fait avec un si bon goût que certains de ses auditeurs ne le remarquent jamais. "Je ne m'imagine pas vraiment chanter ou écrire une chanson qui dirait : 'Touche-moi partout, je veux que tu... quelque chose. Je veux que tu lèches... quelque chose.' Beurk ! Je rirais trop en chantant ça. Mais j'aime le sexe. Je suis très ouverte à propos de ça, j'adore ça", dit-elle, faisant remarquer qu'elle a perdu son manque de confiance d'adolescente quelque temps auparavant. "Je pense que le sexe est l'une des meilleures choses au monde. Ca vous rend heureux. Je suis très détendue à propos de ça, et ça s'est renforcé avec l'âge. Vous savez ce que vous voulez, et vous vous amusez, et vous vous sentez libre et ouvert." Elle boit une gorgée de son thé. "C'est vrai, ce qu'on raconte, à propos des femmes qui atteignent un palier avec l'âge ; vous appréciez ça, tout simplement. Le sexe devient moins lié aux émotions et aux relations affectives, et plus en rapport avec le fait de passer un bon moment."
Dido a désormais 32 ans. Sa plus longue relation amoureuse a duré sept ans, avec l'avocat Bob Page. Ils étaient fiancés et avaient prévu de se marier en 2002, mais ils ont reporté le mariage, avant de vraiment se séparer, l'année dernière. Aujourd'hui encore, elle parle de lui avec affection, et n'a pas l'impression que leur séparation soit due à son succès grandissant. "Non, notre relation a simplement été la victime du phénomène où l'on rencontre quelqu'un alors qu'on entame la vingtaine, on grandit tous les deux, et on n'est plus du tout en phase à la fin de la vingtaine." Dido a écrit 'Thank You' pour lui, le titre qu'Eminem a samplé dans son morceau 'Stan', et qui a propulsé les ventes de son album dans la stratosphère. "J'étais dans mon bain, chez moi, et je pensais : 'Même si les choses vont mal, j'ai Bob et la vie est belle.' Il adorait cette chanson, il l'adore toujours."
Depuis, elle a vécu une liaison sporadique avec Ferdinand Unger-Hamilton, le patron de maison de disques ; liaison qui a brièvement repris lors de trois rendez-vous, à la fin du printemps. Mais depuis, il n'y a eu personne en particulier. "Ferdy et moi avons toujours vécu une relation mouvementée", dit-elle en haussant les épaules.
Voulait-elle vraiment être seule à ce point ? "Je suis célibataire en ce moment, et j'adore vraiment ça. D'habitude, je glisse d'une relation à une autre. Actuellement, j'apprécie intensément de ne pas être en couple. Je me suis rendu compte, l'autre jour, que j'ai été en couple pendant 13 ans. C'est ridicule ! Donc c'est agréable, cette nouveauté de pouvoir dire : 'Non, je veux être seule.'" Depuis combien de temps est-elle célibataire ? "Une semaine." Combien de temps peut-elle tenir sans relations sexuelles ? "Je n'ai encore jamais essayé de m'en passer, jusqu'ici. Je vous tiendrai au courant !"
Pendant la plus grande partie de l'année, Dido sera en tournée avec ses musiciens à travers le monde. Exige-t-elle que tous ses musiciens soient beaux ? "Non ! rit-elle. Ils sont tous séduisants, mais je n'ai envie de coucher avec aucun d'entre eux."
Huit mois sur la route sont tout aussi biens pour être célibataire, pour en profiter, pour penser à l'avenir. Autrefois, Dido devait se marier et avoir des enfants. Mais maintenant qu'elle a vu de ses propres yeux la réalité harassante de la maternité, elle n'en est plus si sûre. "Lorsque j'avais 19 ans, je pensais que le mariage et les enfants arriveraient naturellement dans ma vie. Tout ça semblait si facile. 'Mais oui, je peux avoir un bébé ! Mais oui, je sais m'occuper d'un bébé, où est le problème ?' Maintenant, je vois mes amis, et je me dis : 'Wouah ! Si ça doit m'arriver, ça devra être un accident.'"
Malgré tout, elle est convaincue qu'elle aimera vraiment être mère lorsqu'elle sera prête, et croit que c'est "le rêve de tout le monde, et, évidemment, l'un des miens." Mais elle a aussi d'autres rêves.
"Oui ! Parfois, vous rencontrez un type, et vous vous dites : 'Oh, Seigneur ! Je veux porter tes enfants.'" Un type comme qui, par exemple ? "Quelqu'un comme... euh... Hum. Noooon ! Je n'ai pas d'exemple à l'esprit, à cet instant." C'est une menteuse de pacotille. "Ce n'est pas du tout ce que je veux dire ! Je vois d'ici la Une maintenant : 'Dido, l'alcoolique nymphomane, révèle qu'elle veut des enfants d'un inconnu !'" Nous n'écririons jamais ça. "Promis ?" Promis.
Alors, qu'est-ce que l'avenir réserve à Dido ? Elle est assez intelligente pour admettre que le fait qu'elle soit l'une des plus grandes pop stars du monde aura un énorme impact sur ses relations amoureuses futures ("Je ne vais même pas essayer de prétendre le contraire"), et sait que l'homme qu'elle choisira devra être "extrêmement fort ; pas sur le plan physique, mais il devra être si sûr de lui qu'il se fichera que j'attire parfois toute l'attention." En attendant, elle est heureuse de rester seule, à boire ses grogs de rhum chaud jusque tard dans la nuit, et à rire de toutes ces chansons qu'elle écrit et que personne n'entendra jamais. Une dernière question. Comment concilie-t-elle son besoin de solitude et son amour du sexe ? "Eh bien, ce sont deux choses complètements différentes. Je n'ai pas de relations sexuelles vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Ou chaque jour", explique-t-elle.
Mais, voyons, la solution de tout ça est tellement évidente que ç'en est aveuglant : pourquoi ne pas tomber amoureuse de quelqu'un sur la route ? Quelqu'un qui jouerait pour Arsenal. "Excellent ! s'exclame-t-elle. Mais je ne crois pas que je sortirai avec un joueur de foot d'Arsenal. Je ne pense pas !" Pourquoi pas ? "Parce que les meilleurs sont déjà pris. C'est une blague, au fait."
Traduction de Dido France. Reproduction interdite.